« Et si je me tiens comme ça ? » Tali était assise un peu plus loin tandis que son frère la taquinait en bougeant toutes les deux minutes, car oui il avait accepté de poser pour elle. Tali était fascinée par le côté artistique des choses et ce depuis toujours. Elle fêterait ses treize ans cette année et elle avait déjà le talent qu'il fallait pour accomplir son rêve, ses dessins étaient toujours très raffinés, mais elle manquait encore d'expérience et prenait chaque minute de son temps libre pour se perfectionner. Elle aimait dessiner les paysages autant que les portraits et aujourd'hui, elle s'attaquait à celui de son plus vieux frère. Ce dernier travaillait déjà pour le magasin familial et les Whishart resterait une famille de commerçants pour quelques générations encore, mais c'était une voie que Tali ne suivrait pas. « Et donc, tu veux devenir styliste, c'est ça ? » Elle souriait tout en restant concentrée, mais elle devait clarifier ce point à tout prix. « Oui et non ! Je veux pouvoir confectionner moi-même mes créations et devenir une grande couturière, ici au huit. » Il changea à nouveau de position. « Ah bon ? Je te croyais plus ambitieuse, j'aurais cru que tu viserais le Capitole. Ils sont calés niveau mode, là-bas ! » Elle lui lança un regard noir avant de gribouiller rapidement sur sa feuille, comme pour rectifier un trait.. « Je le suis, mais je ne dirais pas ça. Ils sont trop... excentriques et excessifs. Je préfère l'élégance, le raffinement, la so-bri-é-té. » Il se mit à rire si fort qu'il attira leur frère dans la pièce, qui aussitôt le suivit sans même savoir pourquoi. « Eh bien bonne chance ! Mais nous croyons tous en toi, n'est-ce pas ? » Ils la taquinaient seulement, elle était bien plus jeune que ces deux jeunes hommes et, vexée, elle ne dit plus un mot jusqu'à ce qu'elle ait terminé son portrait. Elle avait agrandi le nez, déformé ses lèvres et élargit considérablement la forme de son visage ; elle avait rectifié bien des choses à la dernière minute et le résultat dénotait bien de son humeur. Elle était jeune, mais même aujourd'hui elle partait toujours au quart de tour. Il continua de la taquiner des jours durant après cela, mais elle comptait bien lui prouver qu'elle y arriverait. Un jour, on reconnaîtra son talent. Pour l'heure, il fallait qu'elle se prépare pour l'école.

Tout était revenu à la normale et chacun avait reprit le cours de sa vie. Une révolte avait vu le jour quelques mois plus tôt, le soulèvement de plusieurs districts mécontents du système et désireux d'une vie meilleure. Ils étaient devenus incontrôlables, un peu trop selon la jeune Tali qui, en son âme et conscience, n'y avait participé d'aucune manière. Puis la sentence finit par tomber et un district fut rayé de la carte, ne faisant que prouver ce que la jeune femme savait déjà : attaquer le Capitole de front était suicidaire. Il était trop puissant, trop armé et s'il devait un jour être démantelé, la manière forte devait s'accompagner d'une stratégie. Or ces "jours sombres" comme on les appelait, en avaient été dépourvus et se terminèrent par un lamentable échec. Et dans cette bataille perdue d'avance, Tali perdit l'un de ses plus proches amis. Le seul, en vérité, qui ne l'ait jamais comprise. Il avait voulu partir rejoindre les autres, les rebelles, et elle avait tenté de l'en dissuader de milles façons. Elle se cachait et il comprenait son choix, il la connaissait bien trop. Lui voulait se battre et elle respectait cela aussi, mais cette fois, leur divergence d'opinion les avait séparé pour de bon. Tali se sentait en partie coupable d'avoir survécu et non lui, elle s'en voulait de ne pas avoir plus insisté. Longtemps elle fut peinée par la mort de son ami, puis elle fit son deuil. Elle voulut tout de même lui écrire une lettre, comme pour se décharger de tout et suite de quoi, elle irait l'enterrer dans ces coins de nature qu'ils aimaient fréquenter.

Nous étions si proches, tu étais le seul à connaître mes secrets, mes craintes. Tu me respectais comme je te respectais, tu étais le meilleur ami dont tout le monde pouvait rêver et tu ne le seras plus jamais. Nos idées divergeaient et tu t'impliquais dans cette révolte, mais je t'aimais quand même. J'y étais indifférente et seuls mes croquis comptaient, mais tu m'aimais quand même. Nous étions comme le jour et la nuit, complémentaires, et tu es parti. D'une façon si violente que je ne saurais l'oublier, ni te pardonner ce choix, cette imprudence.. Une partie de moi est morte avec toi, ce jour-là... et j'ai le sentiment qu'elle veille sur toi, quelque part. Es-tu dans les étoiles ? Je les regarde toutes les nuits en espérant y voir la tienne, briller plus que les autres. Tu me manques, mais j'ai décidé d'avancer. J'ai rencontré quelqu'un, et je l'aime bien, mais ne t'en fais pas. Je pense toujours à toi et le moment venu, je n'oublierai pas ton sacrifice. Peut-être que ta cause est juste... et que je suis juste, un peu trop égoïste. Peut-être que tu avais raison et que j'ai tort... Peut-être que de votre geste naîtra un espoir, qui un jour changera les choses, mais d'ici là je me maintiens. Et je ne te soutiens toujours pas. Mais je t'aime quand même. Je ne t'oublierai jamais mon ami, mon frère, mon âme sœur. Adieu, Wade.

Ce que je pense de la révolte des Jours Sombres : Elle ne se plaignait pas de sa vie, elle estimait devoir rester à la place que le hasard lui avait donné. Elle est née dans le district huit et elle s'y est faite, il faut dire aussi qu'elle n'a pas connu l'extrême pauvreté et qu'elle a toujours eu de quoi manger – même si ce n'est pas le grand luxe côté repas – et de ce fait, elle a vu la période des Jours Sombres comme une affreuse erreur. Le Capitole est ce qu'il est : riche, égocentrique, consommateur, mais aussi puissant. Il est certain que sa position finit par pousser les plus pauvres à se rebeller, mais l'espoir d'une vie égale et confortable pour tous, est utopique. Si ce n'était pas contre le Capitole, les districts auraient fini par se retourner les uns contre les autres, que ce soit pour leur richesse ou leurs terres fertiles, il y aurait eu d'autres conflits. Les hommes semblent se faire la guerre depuis des millénaires et à en croire l'Histoire, la paix était toujours fébrile et temporaire. Panem en est le résultat concret, de ces nombreuses guerres, mais encore aujourd'hui des conflits éclatent. Alors oui, Tali se satisfaisait de sa petite vie tranquille et elle a très mal vécu la période des Jours Sombres qui s'est, de plus, avérée inutile et très lourde en conséquences.

Ce que je pense de notre époque, de Panem et du Capitole: Il est vrai que la situation de Panem est alarmante et que beaucoup de districts font l'office d'injustices. Tali mentirait en disant que cela ne la touche pas et si elle le pouvait, elle aiderait tout ce petit monde à vivre dans de meilleures conditions, mais c'est ainsi. Il y a des riches et des pauvres, des familles qui s'en sortent et d'autres qui meurent de faim, dans tout district on y trouve cette distinction. Sauf au Capitole, cette zone extrêmement riche et puissante où ses habitants ne daignent guère partager leur confort. Dans un monde où les licornes et les dragons existent, le Capitole aiderait son peuple plutôt que de garder le meilleur pour eux et laisser les autres se disputer les restes... il ne mettrait aucune priorité économique et chaque production émise par un district recevrait les mêmes bénéfices... Mais qui pourrait le blâmer d'agir ainsi ? Si les rôles étaient inversés, agirait-on autrement, sans jamais avoir connu la famine et la maladie ? On trouverait cela "tellement triste" sans jamais lever le petit doigt, mais c'est ainsi. Il y a longtemps que Tali ne croit plus aux licornes et aux dragons, les hommes ne sont bons qu'à se battre entre eux et se disputer le butin. Le partage, la solidarité n'est que temporaire lorsqu'on a besoin de l'autre pour gagner la bataille, puis les conflits recommencent.  Elle n'apprécie ni ne déteste le Capitole et elle trouve leurs méthodes radicales, mais justifiées sans doute. Il est là pour faire régner l'ordre selon elle, mais elle ne croit pas plus en lui qu'aux districts, "nous sommes tous pareils", dirait-elle.
 
Ce que je pense des Hunger Games: Elle n'en pense pas grand chose, parce qu'elle ne sait pas vraiment comment cela se passera. Elle a entendu tout ce qu'il y avait à savoir, que des hommes et des femmes de chaque district iraient se battre dans une arène jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un, mais elle ne réalise pas encore que la tribut femelle du district pourrait être elle. Dans la théorie, elle trouve ça barbare, mais elle ne réalise pas du tout l'ampleur de ces jeux, pas avant qu'elle ne les voit de ses propres yeux. Elle appréhende un peu l'arrivée de ces jeux, c'est certain, mais ils n'occupent pas toutes ses pensées et elle ne se focalise que sur son travail.