C'est étrange, comme les événements qui pavent notre vie peuvent être des pivots pour créer la personne que nous sommes à présent. Vous me direz, c'est logique, si un membre de votre famille meurt, ou si vous déménagez. Mais n'avez vous jamais pensé aux petites choses ? Et si vous vous étiez levé deux minutes plus tard, n'auriez vous pas rencontré l'amour de votre vie en le bousculant au milieu d'un chemin ? Si vous n'aviez pas décidé de partir un peu plus tôt du travail, ne vous auriez vous pas fait agresser pour deux malheureuses pièces ? Je prête attention à tout ce que je fais, tout ce qui se passe autour de moi. Même la plus infime des choses peut signifier un nouveau tournant dans votre vie.

Sûrement que si ma mère n'était pas morte en couches, tout aurait été différent. Et sûrement aurais-je préféré une vie avec mes deux parents, mais ce n'était pas mon choix. Dire que mon père avait été dévasté lorsque la venue au monde sa fille avait occasionné la perte de sa femme serait un euphémisme. Il aurait pu me mettre de côté et me laisser mourir, me blâmer pour tous les malheurs qui lui étaient arrivés. Ma vie aurait pu s'arrêter aussi rapidement qu'elle s'était commencée. Mais j'ai eu de la chance. D'avoir un père aimant, qui pensait aux autres avant lui même, et qui était assez intelligent pour voir que je n'aurais rien pu changer à la situation. Que ce n'était pas ma faute. Et malgré le fait que nous n'étions que deux dans ce petit foyer du district deux, je reçus plus d'amour que je n'aurais pu en espérer. Un peu trop, certains auraient dit. Mon père, qui s'en voulait de ne pas avoir de figure maternelle à me proposer comme modèle, m'a toujours gâtée. Nous n'étions pas sur la paille et avions assez d'argent pour subsister, avec le magasin de jouets de mon père. Les affaires marchaient bien, et ainsi, j'avais à peu près tout ce que je pouvais désirer. Cela fit de moi une enfant un peu capricieuse, mais pas insupportable pour autant.

Mon enfance fut plus parfaite que je n'aurais pu l'espérer dans une autre vie. Mon père m'apprit rapidement à utiliser les instruments et à travailler le bois, j'étais douée naturellement de mes mains, comme lui. Dès que je rentrais de l'école, je me lançais dans mes propres travaux de menuiserie. J'avais tout fait. Mais ce que je préférais plus que tout, c'était confectionner des jouets que je n'avais pu que rêver, mais n'avais jamais obtenu. Ma passion était bien la seule chose dans laquelle je pouvais me plonger des heures durant sans faillir. J'avais des problèmes de concentration, et en cours, je devais régulièrement papoter avec mes voisins ou me lever pour gambader dans les alentours. Les cours n'avaient jamais été passionnants à mes yeux, je préférais largement parler avec les autres élèves. Il semblait que j'étais charismatique, et avais un don pour entendre et me faire entendre. Mes amis étaient nombreux et mon sourire communicatif, tout le monde semblait ravi d'être à mes côtés et c'était la même pour moi.

Avec l'adolescence vinrent les premières relations amoureuses. Peut-être était-ce car je n'avais jamais eu de modèle à la maison, d'un couple idéal, stable, mais j'avais le chic pour choisir les mauvaises personnes et me faire piétiner le cœur. Je me spécialisais dans l'artisanat puis dans la confection de jouets, avant de reprendre le commerce de mon père qui ne pouvait plus s'en occuper comme auparavant, à cause de problèmes de santé. Ma facilité quand au contact avec les gens me permit de construire une clientèle fidèle. Je chérissais les enfants dont les yeux se remplissaient de mille étoiles en voyant les jouets sur les étagères, et mon affection pour eux était telle que je ne pouvais qu'être incroyablement gentille et affectueuse à leur égard. Les affaires prospérèrent.

Je rencontrais Honorius, toujours très optimiste quand à mes futures relations. Malgré tous les échecs que j'avais essuyé, j'étais persuadée à chaque fois que c'était le bon. Sans que je ne m'en sois aperçu au début, il différait des autres hommes que j'avais pu fréquenter. Il me ressemblait sur beaucoup de points et arrivait à me faire rire encore plus facilement que les autres. Notre histoire fut de trop courte durée pour moi, puisque les jours sombres arrivèrent, et qu'il fut enrôlé dans l'armée. Il ne me dit même pas au revoir, et au lieu de lui en vouloir, je me sentais celle à blâmer. J'avais un terrible manque de confiance en moi et étais persuadée que c'était de ma faute s'il était parti. J'en fus détruite, pensant même que je ne le reverrais peut-être plus.

Je continuais à tenir mon échoppe durant les jours sombres. Tentant de sourire et d'oublier tout ce qui se passait autour de moi, même si silencieusement, je voulais que cela s'arrête. Je ne pensais pas que le Capitole eusse pu gagner, et pourtant. Je vis le monde autour de moi tenter de se reconstruire, les mesures de sécurité se renforcer, sans que je ne comprenne pourquoi. Il revint. Un pacificateur. Nous nous croisions quelques fois dans le district, sans faire un pas l'un vers l'autre. Comment aurais-je pu ? Je me sentais toujours coupable pour l'état dans lequel il était à présent.

Tout ce que je pouvais faire, c'était oublier.  

Ce que je pense de la révolte des Jours Sombres : Je ne sais pas quoi en penser. Je comprends pourquoi les districts ont cru bon de se rebeller contre le Capitole, et je comprends pourquoi il ne s'est pas laissé renverser .. L'opulence et la richesse du Capitole est quelque chose qui m'est familier puisque je fais partie du district deux. Cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec les différences de situation entre celui-ci et les districts. Je suppose qu'ils ne pouvaient plus supporter de vivre comme ça, de mourir de faim .. Mais je pense qu'ils ont été naïfs de penser qu'ils pouvaient y changer quelque chose. Je ne suis ni dans un camp ni dans l'autre, mais cette révolte a apporté beaucoup de pertes dans le camp des districts, ce qui est regrettable.
Ce que je pense de notre époque, de Panem et du Capitole: Je n'ai pas à me plaindre de ma propre situation, mais je pense qu'à présent, tout est pire qu'avant. Si au district deux, les mesures de sécurité sont renforcées de cette manière et si les lois se font plus dures, je ne peux imaginer la situation des districts plus pauvres. Je n'ai jamais voyagé en dehors du deux, alors je ne peux que supposer.
Ce que je pense des Hunger Games: Je pense que c'est tout simplement horrible. Cela me retourne l'estomac. Je ne comprends pas comment on peut être aussi cruel, et je ne compte pas assister à ce spectacle. J'ai bien l'impression que j'y serais obligée, néanmoins. J'espère juste que je n'en ferai pas partie ..