« Tiens, c’est pour toi. Tu devais avoir à peine six moi lorsqu’on l’a faite. » Cornélius Whitehill tends à son unique fils une carte imprimée en couleurs, un peu vieillie. Une photographie. Un couple tout sourire tenant dans leur bras un bambin aux joues gonflées et rosies. Le portrait aurait pu être tout à fait charmant si l’arrière-plan n’était composé d’arbres noircis et d’un ciel couvert de nuages noir de suie. Amiel sourit tout de même, face au présent et le prends pour mieux le détailler. C’était il y a quatorze ans, et ses parents semblaient si jeunes ! Les cheveux châtains de sa mère été tiré en un chignon lâche et elle portait une robe à fleurs, couleur crème, mettant en valeur ses hanches. Son père quant à lui, n’avait pas encore la petite bedaine qu’il cache dorénavant sous ses chemises grises ni les ridules autour de ses yeux et sur son front. Tous deux affichait une mine radieuse, étonnamment en contraste avec la grimace miséreuse que la plus part des habitants du district affiche. « Alors, maintenant que tu vas bientôt entrer au lycée, as-tu déjà une idée de ce que tu veux faire plus tard ? » L’adolescent relève les yeux et observe son père. Il hésite à demander s’il s’agit d’une question piège. Depuis qu’il sait marcher, son père n’a cessé de lui rappeler à quel point le charbon est un commerce fructueux, lorsqu’on dirige les exportations surtout. Et dans la foulée, il s’empressait d’ajouter qu’étant le seul fils de la famille, il était également héritier de la boutique. Mais il était l’heure pour Amiel de le dire à son père. « Papa, je veux pas moisir ici. J’veux pas voir ces mines, pas même depuis un bureau ! » Le visage de son père s’assombrit et son regard se fait suspicieux. Il attend la suite. « Je veux devenir pacificateur. » Le plus jeune affronte alors le regard de son aîné. Il n’y lit que de la déception, pure et simple. « Tu entends-ça, Lya ? Pacificateur. » scande le quadragénaire, sur un ton des plus méprisant, à l’adresse de sa femme, restée dans la cuisine. « Pacificateur…pacificateur…pacificateur… » Il murmure le mot plusieurs fois, comme si le fait de le répéter sur un air dédaigneux l’aiderait à avaler la pilule. Amiel ne bronche pas et continue à fixer son géniteur.  Il savait qu’il n’apprécierait pas l’idée. « J’espère que c’est qu’une bonne blague, Amiel. » « Non. » Sa réponse du tact-au-tac titille son père davantage, celui-ci finit d'ailleurs par prendre la mouche. « Comment ça, non ? Tu sais ce que c’est, d’être pacificateur ? » « Les études se font au district 2 mais c’est jouable, suffit de… » « TU SAIS CE QUE CA SIGNIFIE ?! J’ai trimé toute ma vie, toute ma vie, comme tes grands-parents, pour t’offrir un avenir convenable, loin du besoin, loin de la misère que connaissent les quatre-vingt-dix autres pourcent de la population locale ; j’ai subis, j’ai enduré, j’ai peut-être pas pris part à la révolte rebelle, c’est pas pour autant que je laisserais mon fils UNIQUE devenir le stupide pion d’un GOUVERNEMENT VICIEUX ET INCAPABLE ! La moitié des gens ici nous méprise, rien que pour pouvoir se permettre de manger du pain tous les jours, tu penses sérieusement que je vais te laisser ternir comme ça notre réputation ? Tu comptes sérieusement être celui qui rouera de coups des voisins, des proches, ta famille, au nom de cette justice de merde que prône ces foutus capitoliens ?! » « Cornélius ! » Sa femme, revenue avec des verres de cacaos, s’agite et s’offusque. L’intéressé porte un regard animé vers son épouse puis retourne à son fils, qu’il pointe du doigt. « Tous ces gens sont notre famille, Lya ! Et moi vivant, toi demeurant ici, tu ne deviendras jamais pacificateur. C’est clair ?! » Et il s’en va noyer sa rage à La Plaque, rejoindre de vieux amis et leurs bouteilles d’alcool de contrebande, laissant sa femme et son fils seuls dans le salon. Amiel n’a toujours pas bougé d’un pouce et ses yeux, embrumés se perdent dans le vague. Sa mère approche, pose le plateau sur la petite table d’appoint et s’apprête à l’enlacer et l’enamourer comme s’il n’était qu’un gamin pas plus haut que trois pommes. Le brun la repousse nerveusement et alors qu’il éconduit les caresses maternelles, son attention se reporte sur la photo. Tu parles d’une famille, ouais…


Une petite foule, un groupe d'une quarantaine de personnes, toutes réunies en un même endroit, autour d'un même être. Et ça se bouscule, ça rit, ça bouge, ça vit. Ils ont l'air transposé dans une autre époque, à une autre ère, loin des nuées charbonneuses et étouffantes. C'est tout un petit coin de la sphère qui s'agite et qui bouillonne. Ils échangent paroles et sourires et leurs âmes semblent apaisées d'assister à un évènement qui leur change du quotidien, de la routine grise et monotone et qui leur permet d'oublier un peu tout le reste. Les habitants du douze sont comme ça. Ils profitent de chaque occasion pour vivre, vivre ces moments locaux de paix pour lesquels ils se démènent chaque jour dans le tréfonds des mines. Et Amiel est heureux d'en être ; d'en être le centre, surtout. Car si les habitants ne ratent jamais les occasions de communier les uns avec les autres, les plus anciens ont encore plus à cheval sur les traditions. La veillée du feu incluse. Atteindre son dix-huitième anniversaire représentait une étape très importante pour Amiel, c'était comme embrasser pleinement sa vie d'adulte. Mais toujours fidèle à sa nature, il se plaisait à être au centre de l'animation, convoité et désiré, envié et aimé. Être l'héritier d'une famille comme la sienne, considérée comme un pilier du douze, était un parfait tremplin pour sa notoriété et parmi son entourage, il avait, au fil des années, appris à bien utiliser cet aspect de sa vie. Amiel, c'était le gamin prodige, celui qui se bat pour tout obtenir, celui qui sait se faire aimer et qui aime encore plus ceux qui le désire, c'est celui qui fait fantasmer certains et hurler de rage d'autres. C'est un égo démesuré, mais bien proportionnel à son talent à manier les mots et les gens. Il sait ce qu'il veut, il sait ce qu'il vaut. Il a beau suinter le luxe, puer l'opulence, il rêve d'encore plus d'oisiveté, du Capitole et surtout du pouvoir. S'affirmer, être respecté. Être pacificateur. C'est son rêve, et il ne l'a jamais oublié. D'ici quelques mois, à la fin de son cycle au lycée, il rejoindrait les bancs des classes supérieures du coin, pour donner à son père de quoi satisfaire sa fierté et nourrir ses espoirs de prospérité. Mais à la fin de son diplôme, il s'est juré de partir, d'aller au de-là du douze, dans le six et de passer jusqu'au deux. Avec sa belle gueule et son éloquence, il compte bien agrandir les rangs des Pacificateurs. Mais une chose après l'autre. Le voilà, au milieu de sa famille, de cousins, de voisins, d'amis. Tous sont venus. Que ce soit pour le feu de camp ou le repas qui l'accompagne, le brun ne veut pas savoir. Ils sont là, c'est ce qui importe. Alors, sous l'œil de parents émus, il passe de bras à l'autre, saute d'une conversation à l'autre, souris, enjôle et avance comme ça, jusqu'à se trouver tout près des flammes qu'il sent crépiter lentement dans son dos. Un silence fébrile s'installe alors. « Bonsoir tout le monde ! Merci beaucoup d'être venu, si vous saviez à quel point ça me plaisir ! C'est grisant de se sentir ainsi soutenu, d'éprouver réellement l'impression qu'on fait partie d'un tout, qu'on est plus unis que n'importe quel autre district ! Et voir tous vos visages, paisibles et souriants, ça me fait chaud au cœur, les amis. Je vous souhaite à tous la santé et de bonnes conditions, mais surtout une famille et des proches que vous aimez et qui vous le rende bien, comme j'en ai la chance. Vous en faites pas, j'ai pas l'intention de me la jouer mélodramatique toute la soirée, bien au contraire, je veux en profiter et je veux que vous m'accompagner dans cette tâche ! Ce qui inclut les délicieux petits gâteaux de Marylise, alleeez, avouez, j'suis sûr qu'ils vous font de l'œil autant qu'à moi ces coquins ! Mais avant de commencer les festivités, il est temps de s'attaquer à l'étape qui doit être la plus importante de cette soirée. » Il affiche un large et franc sourire qui finit d'acheter les plus rabat-joies et porte une main à la poche arrière de son pantalon. Il en tire l'objet attestant de son enfance, un morceau de papier brillant sur une face, cartonné sur l'autre et plié en deux. Élimé depuis le temps, à force de le sortir de sa poche pour tantôt l'admirer tantôt le blâmer. Il se tourne vers le nid de braises ardentes et sur un ton plutôt théâtral, il déclare enfin : « Et c'est ainsi que débute ma vie d'adulte. » Il jette lestement la photographie dans les flammes et, tandis que tous s'enthousiasment déjà et que les bavardages reprennent, il reste là un moment, à observer le papier se brûler, à regarder son visage de bambin et ceux de ses parents se consumer jusqu'au dernier grain. Et avant d'aller rejoindre ses compères, il tente de se convaincre lui-même qu'il n'était plus un gamin.

Ce jour-là, le terrain vague était relativement animé. Les jeunes de la Veine avaient profité du premier jour des vacances d’été pour passer du temps au dehors et s’amuser un peu, oublier tout le reste. Pour certains, ces moments de gamineries seraient les derniers. D’ici quelques jours ou semaines, ils se retrancheraient dans les tunnels souterrains en quête de charbon. Pour d’autre, comme Amiel, ces semaines sous le Soleil n’étaient qu’une transition reposante avant de retourner sur les bancs de l’école pour une première année de fac. Ce dernier était d’ailleurs lestement posé à même le sol, sous l’ombre protectrice d’un grand arbre, Zaphyr à ses côtés. Elle papillonnait d’ailleurs, passait son temps à s’émerveiller, s’émoustiller et lui faire des mamours. Elle passait une main derrière sa nuque, caressait ses cheveux et il se laissait faire, appréciant trop qu’on s’occupe de lui. Et pendant que sa petite-amie se prend au jeu et lui susurre des mots-doux, pendant qu’elle l’embrasse et qu’il se laisse aller sans trop réfléchir, il sent son cœur se resserrer. Il sait très bien que tout ceci est faux. Que ce n’est qu’une scène minable, qu’il ne fait que jouer son rôle pour éviter l’ennui du quotidien. Mais les sentiments n’y sont pas. Il a essayé. Il a vraiment essayé de s’attacher à cette fille qui n’aspire qu’à l’épouser. Mais rien n’y fait. Même passer outre sa naïveté et sa coquetterie n’est pas suffisant. Il tente de se convaincre lui-même que ça ira avec le temps, il préfère se mentir à lui-même plutôt que d’assumer la dure vérité. Son cœur palpite et se déchire, bats et se précipite tout droit au fond du gouffre de l’amour et de la souffrance. Son subconscient s’interroge, pourquoi un si beau ressenti qu’est l’amour doit aller de pair avec la douleur ? Elle qui vous ronge, vous bouffe jusqu’à l’os, jusqu’à ce vous ne soyez plus que l’ombre effacée de vous-même. Il secoue la tête pour retrouver ses esprits et passe un bras autour des épaules graciles de Zaphyr qui s’est blottie tout contre lui. Il baisse le regard sur sa petite-amie et observe ses traits, éclairés par un rayon de Soleil apaisant. Il faut dire qu’elle est plutôt belle, avec son nez fin, ses petites fossettes et son regard de braise. C’est alors qu’il relève les yeux et la voit, l’autre. Dorothy. Elle vient tout juste d’arriver sur le terrain et ne semble pas encore les avoir remarqués. Zaphyr, au contraire, l’avait déjà dans sa ligne de mire. « Tiens, depuis quand les attardées sont acceptées ici ? » Amiel ne l’écoute que d’une oreille, occupé à observer la petite blonde. Toute innocente, toute frêle petite colombe. Il se demande alors ce qu’elle doit bien éprouver à chaque fois qu’il la rabaisse. Mais il chasse très vite l’idée. Amiel ne rend pas la vie de Dorothy bien simple, mais ça ne l’est pas plus pour lui. Le seul moyen par lequel il pouvait exprimer son attachement, c’était en la blessant. Et à force, il agissait presque inconsciemment de la sorte. C'était pour lui un moyen de défense, la seule immunité qu'il avait su trouver pour palier à la montée des sentiments. Chaque répartie était un « je t’aime » complètement brisé, chaque insulte résonnait comme une plainte amoureusement douloureuse. « Je me le demande, bien, chérie, je me le demande. »

Ce que je pense de la révolte des Jours Sombres :  L’histoire ne cesse de se répéter : des géants abusent et le peuple se révolte. Mais combien de fois encore ce cycle devra-t-il se perpétrer pour que tous comprennent que cela ne rime à rien ? Les rebelles ont défendus leurs valeurs, des nobles causes, sans doute étaient-ils des gens honorables –ou totalement stupide- mais le petit peuple ne peut rien contre le pouvoir. Je pense que cette période n’a en rien changé les choses, elle les a empirés. Si chacun coopère avec le gouvernement, ça finira bien par nous profiter à tous. Le Capitole n’est en lui-même pas mauvais, il punit simplement les traîtres qui ont trouvés juste de se soulever contre lui. Vu les fosses où ces malheureux ont finis, je crois qu’ils auraient mieux fait d’accepter les pourparlers et les clauses émises. On en serait pas là, même si, dans mon cas, j’ai pas trop à me plaindre.
Ce que je pense de notre époque, de Panem et du Capitole: Les livres anciens parlaient de l’Amérique comme étant un ensemble d’Etats prospères, alors que d’autres étaient des plus miséreux. On pourrait penser à un juste retour des choses. Panem s’en était plutôt bien sorti apparemment, fut un temps. Si ça se trouve, on fait que traverser une mauvaise passe, une crise qui laissera bien place à une meilleure époque. Quant au Capitole, à mes yeux, il représente l’endroit où être. Ils ont tous là-bas, de la nourriture, des villas de rêves, les grands noms du moment et surtout, c’est l’épicentre du pouvoir. Oh, et, est-ce que j’ai mentionné toutes les jolies filles dans leurs tenues de rêve ?
Ce que je pense des Hunger Games: Je suis bien d’accord sur le fait qu’un gouvernement, quel qu’il soit, doit affirmer son pouvoir et son autorité mais je vous avoue que je trouve l’idée de ces jeux aberrants. Enfin, c’est surtout la possibilité pour moi d’être recruté pour participer à cette mission suicide qui me démange. Ils pourraient au minimum faire un tri dans leurs tributs, n’envoyer que les plus dispensables ; ils pourraient y perdre de bons éléments sans le savoir. Puis, qu’est-ce que c’est d’autre qu’un pauvre divertissement ? J’ai beau être partisan aux capitoliens, je ne cautionne en aucun cas ce genre d’évènements. Il doit y avoir d’autres moyens de montrer son attachement patriotique, des moyens qui n’impliquent pas de mourir sous les coups de ses frères. J'aspire à devenir un jour pacificateur, pas de la chair à pâté.